Que sont les crises écologiques, économiques et sociales, sinon l’expression d’une impasse dans laquelle notre construction idéologique et notre rapport à la vie se trouvent remis en cause. La prédominance de l’économie sur toute forme de vie porte également atteinte au fondement de notre démocratie. Toutefois la « crise écologique » apporte cela de nouveau que la survie de notre biosphère dépend désormais des choses qui dépendent de nous…

Évolution dans notre relation à la nature

L’histoire de l’humanité peut se lire comme le passage d’une conception de la nature comme horizon indépassable, à la pensée que la créativité humaine peut dominer, dépasser et même remplacer la nature. Pour Aristote (l’an -380) par exemple, l’homme et la technique sont immanents à la nature, ils ont été engendré par elle et toute leur production sont nécessairement inférieurs aux œuvres naturelles. Pour Descartes (1640), l’homme n’essaie plus d’imiter la nature, mais peut devenir possesseur et maître de la nature. Aussi dans le cadre du progrès, l’homme dégagé des contraintes de la faim et de la maladie peut alors se consacrer au développement de son esprit. Bacon (1650) plus radical, établit une relation de pouvoir qui permettra de reculer les bornes de l’empire humain en vue de réaliser toutes les choses possibles,

On voit aujourd’hui comment, la recherche de gains rapides couplées au développement des techniques dans tous les domaines, rendent les effets de l’innovation de plus en plus difficiles à maîtriser.

Après la révolution industrielle qui avait révélé le contraste entre la campagne et la ville, la révolution agricole tend à l’abolir, confondant l’une et l’autre. Cela entraine une extension de la société industrielle et urbaine à la totalité de l’espace et de la population. Révolution majeure, cette sur-technicisation de l’agriculture a permis l’extension à la totalité du territoire des effets négatifs de l’industrialisation : la perte de la diversité des espèces, comme de la nourriture et l’effacement de la diversité des sociétés locales. Cette rupture du XXeme siècle termine une époque qui avait commencé au néolithique. Un des indicateurs significatifs de cette évolution, étant la proportion d’humains vivant dans les villes passant de 3% en 1800 à plus de la moitié en 2000.

Mais bien d’autres évolutions nous ont entrainés là où nous sommes aujourd’hui, notamment la création d’objets de dimension planétaire (ex : bombe atomique, transports, images satellites, communication), capable de nous mettre a la porté de notre monde.

Si nous avons perdu cette relation privilégiée et directe avec la nature, en 1854, ce chef de tribu indienne nous rappelle que dans d’autres cultures ou civilisations, il en a été autrement :

Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes. Nous savons au moins ceci: la terre n’appartient pas à l’homme; l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même.

Compétition et coopération

Combien de fois avez vous entendu, que la compétition entre les hommes, n’était qu’une réplique de la nature. Évidemment, il a été plus facile de retenir et de montrer la compétition entre les espèces (le lion attaquant une gazelle) que les relations complexes de coopérations qui pourtant prédominent et dont l’exemple le plus flagrant est l’existence même de la biodiversité et du vivant (ou bien au niveau des organismes vivant dans la terre, quand celle-ci est encore vivante).

On comprend aussi que cette conception de la vie basée sur la compétition, corresponde très bien avec l’application des théories libérales au monde économique.

Pourtant les observations et travaux de Darwin (1880) mettent déjà en avant ces notions de coopérations et d’équilibre entre les espèces. Ce regard change évidemment la perspective de notre relation avec l’espace naturel. En effet, en ne cherchant plus systématiquement à le combattre, on peut rechercher une coopération qui nous soit profitable, tout en permettant la survie des écosystèmes. On pourrait d’ailleurs traiter de la même façon la coopération entre les hommes, comme nécessaire expression de la diversité.

Dans son « Contrat naturel » (1998), Michel Serres nous propose d’inventer ce contrat dans lequel nous fixerons les limites de l’action de l’homme sur la nature, dans le sens des droits et des devoirs. Selon lui, nous sommes condamnés comme dans le tableau de Goya (Hommes se battant avec des bâtons) à jouer à trois, fautes de tout perdre. En effet, plutôt que de nous opposer en nous enfonçant à chaque mouvement dans des sables mouvants, il convient que nous apprenions à prendre en compte également ce tiers élément qu’est le monde où nous vivons. Pourquoi, ne pas partager l’expertise sur les sciences de la vie et de la terre, en nous plaçant dans cette nouvelle perspective de jeu à trois ? Cette démarche,, certes plus complexe, prend bien en compte les liens qui unissent les choses entre elles.

Toutefois, si ce niveau de coopération peut nous paraître difficilement atteignable, c’est qu’il demande à chacun une révolution intérieure portant sur le questionnement de notre relation avec tout ce qui vit et donc avec nous même.

sources :

les enjeux de la défense de l’environnement, Evelyne Rognon, Nouveaux regards n°25, printemps 2004

Quelle agriculture pour quelle planète, Daniel Cérézuelle, colloque Nourrir l’humanité, un défit à relever ensemble, 19 novembre 2009 – Res’OGM Info

La fin de la vie et le début de a survivance, chef Seattle de la tribu des Suquamishs, 1854

Retour au contrat naturel, Michel Serres, conférence du 14 janvier 1998

Le temps des crises, Michel Serres, octobre 2009, édition manifestes le pommier

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