Ça y est, nous sommes arrivés avec Quentin à St Pierre et Miquelon le 9 juillet et logeons depuis sur Fangorn avec Arno et Yasmine avec qui nous allons passer les prochaines semaines. Fangorn est une jonque construite par Arno qu’on avait en 2017 convoyé de Guadeloupe à St Pierre. C’est chouette de retrouver cette île, d’y recroiser certaines personnes et d’en rencontrer de nouvelles.

Les levés de soleil sont juste splendides. Quand on ne travaille pas sur la préparation du navire, nous profitons pour nous balader un peu. Séjour prolongé car nous mettons à l’eau un peu plus tard que prévu. On va pouvoir en profiter pour faire un peu de tourisme sur l’île aux marins et dans la forêt boréale. Je partage la cabine avant avec Quentin mon fils avec qui on avait déjà partagé le carré sur I have a dream, pendant 2 mois et demi de navigation en 2012. C’est donc à la fois une aventure maritime et une aventure de vie.

Et tout à l’heure à la fête du 14 juillet on a croisé d’autres Guadeloupéens en escales avant la transat qu’ils devraient effectuer en même temps que nous, chouette .Je vous ferais un petit reportage à mon retour pour vous conter les moments clés de ce voyage hors du temps, en reliance avec les éléments. Pour l’instant nous sommes sur St Pierre, l’île principale de cette archipel située à 2 pas de terre neuve et donc du Canada. Elle compte 6000 habitants sur un tout petite territoire. Alors que Miquelon, Langlade, l’île voisine composé en fait de 2 îles reliées par un isme ne compte que 600 habitants.

C’est parti. Après les derniers réglages, mises au point et avitaillements, la mise à l’eau s’est bien passée et nous avons dormis pour la première fois à flot sur un quai à côté de gros bateaux. Nous avons ensuite regagné le centre-ville pour les dernières nuits ici, avec le bateau placé face au vent, idéal pour gréer et hisser les voiles. Notre positionnement nous permet aussi de croiser plein de monde, des curieux qui viennent regarder la jonque et poser des questions, aux amis d’Arno et Yasmine qui passe de temps en temps.

Avec Quentin, on profite d’une journée de beau temps pour visiter la fameuse île aux marins où ont résidés à l’époque jusqu’à 600 personnes. Ile de pécheurs où la morue était mise à sécher sur des pierres devant les maisons. Rencontre aussi avec des musiciens de l’île, lors de deux Jam session, où l’on partage ces moments de grâce. Avant même que nous nous soyons adressé la parole, un micro à disposition, je peux sortir mes 2 flutes et communiquer avec ces frères par ce langage subtil. Merci à eux pour l’accueil et pour ces moments partagés. Enfin, dernière journée de préparatifs avec une sortie test en mer. Ce soir petit concert avant notre départ demain pour Granville en Normandie et ce, deux semaines après notre arrivée sur St Pierre Temps estimé du voyage : 3 semaines.

Hum , hum par où commencer pour vous conter ce voyage de 16 jours en mer entre St Pierre et Miquelon et Lawrence Cove en Irlande à bord de la jonque Fangorn. Jonque, construire par Arno notre capitaine et avec à son bord également Yasmine et Quentin.

Départ de St Pierre le samedi 23 juillet dans le brouillard, avec les amis et les bateaux du coin qui nous salut. Nous croisons dés le début, un requin et des macareux moine au bec orange, appelé également le perroquet des mers. Après un jour de moteur, ou chacun prend ses marques à bord, le vent arrive et nous pouvons commencer à surfer bon train, avec le spectacle du soleil (lever et coucher) et des étoiles qui nous accompagnent durant 2 jours, avant que le brouillard nous enveloppe et qu’on ne voit plus le soleil, ni le ciel pendant 6 jours.

Avec ce bon vent, on avance bien, par contre la vie à bord est compliquée avec des mouvements de roulis et de tangage qui rendent chaque déplacement périlleux. On a aussi notre lot d’avaries, comme dans ces voyages c’est souvent le cas, avec le temps des réparations par notre super capitaine et constructeur Arno. On se fait même a un moment un gros chantier collectif sous la pluie dans une grosse mer qui finit de tremper nos derniers vêtements secs. Au niveau gréement la casse principale est celle des bambous qui se rompent 3 fois en raison de leur âge, après 6 ans de bon et loyaux services à bord. Nous réparerons alors soit temporairement en joignant le bambou cassé à celui du dessous ou du dessus, comme on prend un ris dans la voile, soit plus tard en rajoutant en renfort un nouveau bambou qu’on avait embarqués à bord au cas où. C’est tellement agréable de pouvoir compter sur notre pilote automatique qui rend les quarts de nuit plus cool et permet aussi quand il fait trop froid ou qu’il pleut d’assurer une partie de la veille à l’intérieur. Je dis ça car on a bien cru partir sans pilote automatique et c’est d’ailleurs Karl dont on a assisté à un concert la veille de notre départ qui avait trouvé la panne qu’on a pu réparer in extremis avec une pièce arrivée d’Halifax avec un autre ami juste avant qu’on quitte St Pierre.

La nuit rapidement, nous organisons les quarts par 3 tranches de 3h qu’on se partage avec Arno et Quentin. Yasmine étant soumise au mal de mer, elle ne participe pas à ce tour de rôle ou juste en soutien avec Arno pendant le sien. On a le droit à la visite de baleines quelque fois et assez souvent des dauphins qui viennent s’amuser avec l’étrave du bateau. Un spectacle qui jamais ne lasse, en plus des oiseaux de mer qui nous ravissent de leurs spectacles de danse sur l’eau et parfois autour du bateau.

Autre spectacle, l’eau phosphorescente la nuit, visible dans l’écume crée par notre navire, comme dans la crête des vagues ou dans l’agitation crée par la nage d’un dauphin. D’autres navires croisent de temps, temps notre route, principalement des navires de commerces en tout genre (porte-conteneurs, pétroliers et autres) ou bateaux de pèches et plaisanciers à proximité des côtes. Après 2 jours de pause du vent qui nous ralentit, il revient en force le 31 juillet comme au début. C’est enfin le 2 Aout que le brouillard nous quitte avec encore parfois un couvert nuageux qui recouvre l’horizon.

C’est ainsi 2 jours de surf qui se succèdent avec le soleil qui apparait puis le vent qui progressivement diminue jusqu’à extinction complète le 5 aout. Aussi, malgré une option de route pour en sortir, un anticyclone nous scotche sur place. Ces jours de beaux temps sont très agréables pour la vie à bord qui reprend tous ces droits, après un peu de ménage, on peut à nouveau partager des moments de discussions et de loisirs avec les instruments de musique, les cahiers à croquis, jeux de société qui repointent leurs nez. C’est aussi le temps pour la lecture et de grandes siestes réparatrices car avec le roulis le sommeil était parfois un peu suspendu.

Le 6 aout devant les dernières prévisions météos, nous changeons finalement de destination et faisons route sur l’Irlande dans une mer d’huile. C’est la seule destination à portée du carburant qu’il nous reste, sachant qu’après un calme prévu pour plusieurs jours c’est un un fort vent d’Est qui doit se lever et qui va aussi empêcher notre progression vers Granville. C’est donc un peu moins de 4 jours au moteur qui nous permettent de rallier cette nouvelle destination où l’on a la joie de découvrir les côtes, d’abord de jour à la tombée de la nuit du dimanche 7 aout, puis à la lueur des étoiles et de la lune rousse.

Une approche tout en douceur qui nous fait arrivée à marée montante à 2h30 du matin à l’étale à Lawrence Cove, petite marina sur l’île de Bere. N’ayant pas de place au ponton, on se met discrètement à couple d’un voilier habité, sans qu’ils s’en rendent compte avant leur réveil le lendemain matin. Quelle joie d’arriver à terre après tous ces jours passés en mer, même si on a l’impression avec Yasmine que tout est allé très vite. D’ailleurs à peine amarrée, personne ne demande son reste et tout le monde rejoint sa chouchette dans un calme sidérant qui nous assaille et aussi une eau tellement calme que nous nous sentons à bord comme sur la terre ferme. C’est vraiment le silence qui est le plus maquant avec un bourdonnement constant dans les oreilles après l’arrêt du moteur et de tous les bruits propres au bateau pendant la navigation.

Ces dernières journées ont donc été marquées, par une dernière panne moteur dont Arno s’est chargé brillamment comme les dernières fois, mais aussi notre inquiétude sur nos capacités à arriver à destination sans tomber en panne sèche. Enfin ce fut aussi l’occasion de belles journées ensoleillées sans vent, avec parfois une mer d’huile avec souvent encore la visite de dauphins. En se rapprochant des côtes, on rencontre aussi une grande communauté de fous de Bassan, dont nous n’avions vu jusque-là que quelques spécimens. Magnifique oiseau imposant avec de très jolie couleurs : tout blanc avec une pointe de jaune sur le dessus de la tête et du noir sur le bout des ailes. Leur vol en groupe en file indienne est aussi très joli à voir. Les nuits ont été marquées les derniers jours par une voie lactée et un ciel en général extrêmement dégagé et lumineux. Quentin pendant les quarts de nuit qu’il avait choisi pour ça, a pu observer et de découvrir de nombreuses constellations, dont j’avais la joie d’avoir un exposé à mon réveil quand je prenais le quart suivant de l’aube naissante.

Avec Quentin, c’est donc ici que se termine notre voyage sur Fangorn et d’ailleurs alors qu’on n’avait pas de nouvelles d’eux Arthur et Emeline les frères et sœurs de Quentin arrivent en avion à Dublin demain pour un séjour de randonné auquel va se joindre leur frère du coup. Quelle surprise ! Quant à moi, Claire et Théo me rejoignent pour ma plus grande joie avec un road trip d’une semaine qui se prépare dans ce beau pays.

Mission accomplie avec cette transat retour sur Fangorn avec Arno, Yasmine et Quentin même s’il restera à Arno et Yasmine encore un peu de route pour rejoindre Granville. Un trajet qu’il envisage d’effectuer dès dimanche après pour eux aussi une halte méritée en Irlande. Que de plaisir à nouveau de naviguer sur cette jonque entièrement construite par mon ami Arno et en plus cette fois de le partager avec Quentin. C’est un bateau qui a tellement de charme avec ce gréement spécifique et ces voiles rouges striées de bambous. Une telle simplicité et intelligence sans tout l’accastillage fort onéreux des gréements d’usages en occident. Aucun câble soutenant le mat (mat autoporteur posé dans le fond du bateau et maintenu au niveau du pont), pas de winch, enrouleur, coulisseaux, poulies de renvois …). Quant au principal reproche fait en général sur ce genre de gréement et sa difficulté à remonter dans le vent, nous avons eu l’occasion de tester avec un vent médium la tenue à bonne allure d’un prés bon plein, tout à fait honorable.

Merci donc à la vie pour cette belle rencontre avec Arno à Toulouse en 1994 qui nous à emmener ensuite à pas mal de partage de navigation, musicaux, politiques, philosophiques …Ce fut aussi un très bon moment de retrouvaille et d’intimité avec Quentin partit faire ses études en France depuis 3 ans avec de très bon moment de complicité et un échange nourrit dont certains écrits devrait donner lieu à une publication … un jour, quand le fruit sera mure.

Avec plaisir encore une fois de partager tout cela avec vous.

Je vous aime.

Jérôme

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