Toute ressemblance avec ce que nous avons vécu et ce que nous sommes en train de vivre est assurément volontaire de ma part. Tout ce qui est fiction n’est que pure imagination, mais à la re–lecture, un an et cinq moi aprés l’écriture de ce texte, pas mal de choses se sont réellement mise en place. Bonne lecture !

14 janvier 2020 : une guerre bactériologique est déclenchée entre différents pays, mais celle-ci échappe bientôt au contrôle des dirigeants et se répand un peu partout sur la terre. Chaque gouvernement prend alors des mesures différentes dictées par sa propre logique. Logique qui découle de son mode d’organisation, de son histoire et sa culture comme de sa capacité préalable à anticiper ce genre de crise. Rentre aussi en ligne de compte la soumission plus au moins forte à l’influence des lobbys et la proximité réelle ou supposée avec les besoins du peuple et de ses valeurs. Ces mesures générales entraînent beaucoup de rapatriements mais aussi des mesures de limitations des libertés individuelles différentes dans chaque pays et ce toujours sur la base du motif de la préservation des vies humaines.

Un autre facteur important est à considérer, car la plupart des états utilisent de façon fréquente la peur comme outil politique, propagée dans les médias de façon récurrente. Il en est ainsi chaque fois que le but est de retrouver une forme d’union nationale face à un ennemi supposé et que la population est prête à y adhérer. Il l’est plus rarement pour régler les inégalités et injustices à l’œuvre sur l’ensemble de la terre qui engendrent tant de morts, tellement plus nombreux que ceux crées par cette dernière folie mise en place par l’homme. Mais nous sommes encore régis pas des états nation qui rivalisent entre intérêt national qui rime le plus souvent avec celui des lobbys les plus puissants et de leurs intérêts économiques. Difficile, dans ce faisceau complexe du mode décisionnel des dirigeants, de percevoir encore un sens commun.

Comme le disait d’ailleurs, à l’époque des événements, un grand philosophe, Marshall Robert, interrogé dans les médias sur la situation dans son pays : « Qu’est-ce que représente la situation actuelle au regard des 7 millions d’êtres humains qui meurent chaque année de malnutrition dont 2 millions d’enfants ». Difficile de parler ainsi dans les médias sans être accusé d’irresponsable ou d’être mis face aux morts liés à cette bactérie et à leur famille. En effet, les chiffres rapportaient, au moment de son texte, que la bactérie avait provoqué la mort de 10 000 personne dans ce pays, contre 300 000 personnes mortes par an toute cause confondu dont 75 000 du cancer. Le philosophe faisait aussi la remarque que « si socialement et économiquement, la bactérie avait de graves conséquences, ce n’était pas le cas au niveau de la mort relative ». Cette situation inédite, permettait donc au philosophe de poser un certain nombre de questions : « Pourquoi ces morts de la bactérie sont-ils devenus le sujet numéro 1 de toute l’humanité ? Que sont devenus les autres ? L’humanité se serait-elle donnée pour mission de sauver le monde ? Tout le monde ? Autrefois la santé était un moyen pour atteindre le bonheur, serait-ce devenu une finalité ? La mort est-elle un échec comme une limite à notre idée de toute-puissance ?

Il faut rappeler qu’à l’époque de ces événements le pays où intervenait ce philosophe n’avait pas connu de crise majeure depuis longtemps avec plutôt une espérance de vie en hausse, mettant donc la mort comme un sujet massue, pour faire passer toutes sortes de mesures. Et ceci sans aucune relativité quant à leur importance réelle, tel que cela avait été le cas suite à différents actes terroristes auparavant.

Au-delà du côté politique, c’est l’humanité entière qui a perdu un certain sens pratique, se coupant de sa connexion avec la nature pour s’en remettre globalement au consumérisme et à une vie de plus en plus artificialisée et solitaire (un contre tous). Les conséquences sur tous les plans sont nombreuses et notamment sur la détérioration de l’environnement naturel mais aussi sur la santé mentale et les relations sociales.

Il est important de relever que ce ne sont pas là les seules forces à l’œuvre au sein de l’humanité et qu’en parallèle de tout cela, de plus en plus de personnes en reviennent à mettre en exergue dans leur vie la solidarité et prennent conscience du besoin de mettre en œuvre au quotidien des pratiques plus respectueuses de soi et de son environnement.

Il y a aussi une forte propension à l’élévation de conscience et qu’elle soit spirituelle ou laïque, elle rassemble un nombre croissant de personnes autour de valeurs primordiales comme l’amour de son prochain. Une branche de ces différents mouvements prône aussi le retour pour chacun à sa propre souveraineté intérieure et décrit ce que nous vivons comme une époque de transition.

Une autre penseuse, Louise Rupaire, à la même époque posait le constat que vu l’ampleur de la crise économique et sociale issue de cette paralysie mondiale de l’activité humaine, l’humanité devrait faire face à 2 types de choix comme après chaque grande crise : soit reconstruire de façon solidaire, soit laisser la place à des politiciens avec des solutions toutes faites, ce qui pourrait davantage favoriser l’avènement de candidats dictateurs. Aussi, bien que cette proposition soit binaire, elle permet de suivre les événements avec davantage de recul.

Et pendant ce temps, sur une île du pacifique, se retrouvent un groupe de 80 personnes dans un centre de confinement crée pour l’occasion dans un vaste hôtel de luxe, Paradise beach. Celui-ci, accueillant habituellement les vacanciers a été déserté dès l’annonce de cette crise mondiale. Le site est magnifique, mais on y avertit ces clients hors normes que ce n’est pas d’un séjour à l’hôtel dont il s’agit, mais d’une quinzaine à l’issue de laquelle ils devront pour obtenir leur attestation de sortie, être testés avant de retourner dans leur famille ou lieu de vie.

Pour ce séjour, il convient d’ailleurs de respecter le règlement intérieur signé à l’entrée, en évitant tout contact avec ses voisins de confinement. Tout est organisé pour l’occasion, et c’est une association, le Croissant Jaune, qui est chargée du bon fonctionnement et du respect de ces mesures. Ceux-ci doivent en réalité inventer et s’adapter au jour le jour face à cette situation inédite qu’on leur a confiée.

Arrivés en bus depuis l’aéroport et respectant un certain nombre de précautions d’hygiène, on se retrouve confinés dans un bungalow, dans une sorte de petit village de vacances situé à quelques pas de la plage paradisiaque. Le règlement nous indique que les repas sont pris dans une salle de restauration face à la mer, où chaque bungalow a sa propre table numérotée et où est déposé un sac plastique jaune à l’effigie du lieu qui contient le dit repas.

Pour ma part, je m’attends à tout instant à ce qu’on me dise, « On vous a bien eu monsieur Thoreau, ce n’est en fait qu’une caméra cachée, vous pouvez rentrer chez vous maintenant. Merci d’avoir participé à cette mise en scène ! ». Mais cela n’arrive pas.

En dehors des horaires pour les repas, il est prévu une heure de promenade alternativement le matin ou l’après-midi pour se dégourdir les jambes dans un espace délimité par une signalisation de type travaux et sous la surveillance perpétuelle des bénévoles du Croissant Jaune.

Le premier jour tout le monde est encore sous le choc de son arrivée ici et de cette soumission à une restriction des libertés plutôt inhabituelle. Ceci remettant chacun face à ses propres tracas en fonction de son cheminement personnel, de ses croyances et de ses aspirations.

Ce qui me surprend le plus dans cette salle de restauration grande ouverte et face à la mer, c’est la pénombre dans laquelle elle est plongée et le silence qui y règne. Je ne peux m’empêcher, en y arrivant, de parler un peu fort et de dire bonjour, pour savoir si ce sont bien des humains qui m’entourent, s’ils sont encore vivants, ou si nous sommes vraiment arrivés dans une autre dimension.

Il y a pas mal de bénévoles postés à l’entrée de la salle de restauration, pour répondre à nos questions, pour s’assurer que tout se passe bien et nous rappeler le timing. La tension est palpable et ces bénévoles à qui on a confié la mission de nous encadrer comme on le ferait pour des enfants reçoivent en retour toute l’incompréhension des arrivants, leurs plaintes, leurs demandes, mais aussi leur colère.

Alors que le rythme s’installe doucement, le moment des repas et de la pause, deviennent l’occasion privilégiée pour nouer de nouvelles relations. C’est aussi le moment pour échanger et nous organiser en interne pour améliorer notre séjour. De nombreux dialogues s’instaurent aussi de part et d’autre de ce jeu à 2 camps, les observés et les observateurs si bien qu’on en vient même à se demander bientôt lequel des 2 est celui qui est observé ou observateur…….

Le dialogue entre les 2 parties, permet au fil des négociations, à l’étau de se relâcher. Si avant une chasse était faite aux déplacements hors des horaires prévus, le tout surveillé par une milice engagée pour l’occasion, petit à petit, les après repas se poursuivent et deviennent bientôt des temps de partage presque aussi long que les temps des pauses prévues initialement. Il arrive même qu’on n’est pas le temps de rentrer dans son bungalow avant la sortie suivante….

Bien sûr tout le monde respecte les distances de sécurité et après l’infantilisation du début, ce relâchement des restrictions nous fait à tous beaucoup de bien. On y a aussi bien contribué en proposant des activités que le Croissant Jaune devait mettre en place au départ mais qu’il était incapable d’assumer faute de moyens. Nous avons proposé à chaque pause des cercles de parole, séances de relaxation et même des cercles créatifs avec partage musical, danse, chant, histoires, plaintes, polémiques. Et puis chacun individuellement ou en groupe fait son propre cheminement, si bien qu’un peu partout dans le village des groupes se retrouvent par âge, culture, affinités ou juste par curiosité ou attirance.

Au bout du 7eme jour, j’ai vraiment l’impression que nous avons transformé les conditions de ce séjour et que ce petit village où nous faisons tous de plus en plus connaissance est un véritable terrain d’expérimentation des relations humaines et de rencontres.

Quel espoir dans l’intelligence collective et sociale malgré les différentes origines de chacun, sociales, culturelles, politiques, religieuses … et malgré un avis divergeant que chacun peut porter sur cette crise et la façon dont elle est gérée dans ce centre et partout dans le monde.

C’est en fait le consensus du bien vivre qui nous permet à tous de relativiser, ce qui n’empêche pas certains de se murer de plus en plus dans leur bungalow ou temporairement de se retirer, chacun vivant différemment cette évolution et ayant aussi ces moments de blues et de doute.

Avec d’autres, on en vient parfois à se demander, si nous ne sommes pas des rats de laboratoire, testant notre capacité à nous adapter à ces limitations de nos libertés. Pas que nous y croyons vraiment, mais cette folle expérience favorise notre imagination, notre créativité et même notre humour et notre joie.

En fait la cause première de notre enferment ici vient de la susceptibilité d’être infecté par la bactérie du fait que nous arrivons d’un autre territoire et donc de la possibilité qu’on contamine les autres. Mais en fait, là aussi en changeant de regard, vu le turn over des bénévoles qui agissent sur différents sites provenant de différents vols et circulant aussi en dehors, j’en viens à me demander si ce n’est pas d’eux que potentiellement pourrait venir le danger, s’il existe vraiment.

De la même façon dans ce regard observant-observé, est-ce que finalement ce ne sont pas nous qui prenons soin d’eux à chaque nouvel arrivage de bénévoles ? Ils sont d’ailleurs de moins en moins enclins à nous encadrer, comme si on avait été reconnus comme adolescents après avoir été pris au début pour de jeunes enfants et que peut être bientôt nous seront à nouveau adultes en ressortant, à suivre …

Il paraîtrait même que certaines personnes cloîtrées chez elles depuis le début de ce confinement, ayant appris la bonne ambiance dans ce village, auraient fait la demande de pouvoir l’intégrer elles aussi. Il y en aurait même certains qui serait en train d’envisager non pas un plan d’évasion, mais un plan d’intrusion… Quelle ironie !

La fin du séjour s’approchant, on nous propose un test avant la sortie et la question se pose à savoir qui l’acceptera, car il n’est pas obligatoire. Si la majorité l’accepte comme pour se rassurer ou avoir toute capacité à montrer patte blanche à leur famille, moi, j’ai fait le choix de ne pas le faire. Non pas que ce test entraîne un danger pour ma vie, à priori inoffensif. Il aurait toutefois une fiabilité variable et il suppose, et c’est plus dommageable pour moi, la saisie, dans un fichier joint à mon numéro de sécurité sociale, du résultat du test. Dans une société déjà de plus en plus fichée, notamment à l’appui de tous les outils informatiques imposés et ceux plus ludiques des réseaux sociaux, cette touche supplémentaire est une étape que je ne souhaite pas franchir, en tout cas aussi longtemps qu’on m’en laissera le choix.

7 mai 2030 : Je ne me suis toujours pas fait tester à ce jour et même si cette crise est loin maintenant, il y a eu tout un tas d’autres sollicitations à ce niveau et autant vous dire que tenir cette position n’a pas toujours été simple.

Dans les 2 ans qui ont suivi la crise, s’est mis en place de façon insidieuse et progressive une sorte de dictature de la santé, avec un passeport numérique attribué à chaque personne recensant au-delà de la bactérie, toute ses données médicales. Les personnes réfractaires, comme moi, à ce type de fichage et aux différents tests proposés n’avaient donc plus accès à un certain nombre de services, tel que le revenu minimum d’existence, ni aux voyages en dehors d’un territoire limité, en fait un peu comme les détenus assignés à résidence. La santé est devenue progressivement un traceur, une raison pour cataloguer, classifier les gens et leur donner accès en fonction de ces données à tel service, tel travail….

Voyant ainsi nos libertés se restreindre dans ce domaine comme dans tant d’autres et malgré les alternatives et actes de désobéissance pacifique pratiqués çà et là individuellement et collectivement, j’ai fini par saisir une occasion de fuir ce territoire, de nuit, sur mon voilier.

Accompagné de quelques amis souhaitant également vivre une expérience plus en accord avec leurs valeurs, tout en prenant le risque de perdre cette forme de sécurité illusoire proposée en échange, nous avons rejoint une autre île a quelques 600 milles de là.

Là-bas, avec le temps d’après cette crise et d’autres survenus les années suivantes, les habitants avaient fait un tout autre choix.

Pour s’en tenir juste aux questions de santé, il avait été décidé de revenir à la base et d’anticiper en se soignant au quotidien plutôt que de se guérir quand quelque chose allait mal. Et cela en portant une attention particulière sur son bien-être et son équilibre général, usant à la fois d’une alimentation locale, sans pesticides et adaptée au besoin de chacun, de pratiques physiques, de méditation et de relaxation, comme base pour la construction de son système immunitaire. Le jeûne et les différentes formes de diètes étant également intégrés dans ce processus d’épuration et de maintien de la qualité physique, psychique et énergétique du corps.

D’ailleurs, tous les autres plans de la vie visaient également à contribuer dans cette île au bien-être individuel et collectif. Pour résumer, il avait été fait le choix de vivre pleinement sa vie plutôt que de cherche à la gagner en remettant à plus tard le bonheur de vivre simplement aujourd’hui.

Depuis maintenant 8 ans que je vis dans cette île, cette forme de résistance à la domination des valeurs économiques s’est finalement imposée. D’ailleurs cet entrain pour un nouvel élan basé sur d’autres valeurs s’est organisé progressivement un peu partout sur la planète, avec par-ci, par-là des zones entières, plus ou moins grandes, dédiés à ce nouveau type de fonctionnement. Si les expérimentations sont partout différentes, le point commun est de vivre avec des pratiques respectueuses du vivant, en harmonie et en symbiose avec lui.

A l’heure actuelle, même les pays qui avaient pris les mesures les plus radicales pour conserver l’ancien modèle et se baser aussi sur des systèmes dictatoriaux déjà bien ancrés, commencent à perdre du terrain sur les nouvelles idées qui émergent inexorablement au sein des populations mondiales. Des réseaux de partage informent et soutiennent toutes initiatives qui visent à faire autrement à l’échelle mondiale.

Au vue de tous les chiffres à notre disposition, il semblerait que le monde soit prêt à basculer pour entrer globalement dans une nouvelle ère. Bien sûr elle demande encore des améliorations mais elle s’est au moins ouverte à une reconnexion et au respect de toute forme vivante, à la reconnaissance de la souveraineté de tous les êtres dès leur plus jeune âge, comme à la libre circulation.

C’est ainsi un nouveau champ d’expérimentation passionnant auquel chacun contribue à sa façon. Et si souvent les habitudes du passé reviennent et semblent ainsi ancrées à jamais, j’ai quand même plus que jamais l’espoir que petit à petit, nous nous approchons un peu plus de ce nouveau monde basé sur la coopération plutôt que sur la compétition.

Certains pays sont allés d’ailleurs très loin dans cette dictature, bien au-delà de la santé avec la privation progressive des libertés individuelles, par un fichage informatique de toutes les données personnelles et des milices emprisonnant et rééduquant tous les êtres considérés comme subversifs dans des centres d’enseignement.

Il est triste de constater que c’est aussi grâce à ces excès que le plus grand nombre a pu enfin prendre conscience de la gravité de ces systèmes où la souveraineté personnelle est niée. Force est de constater que tout attendre d’un système unique, d’un parti unique, d’une seule personne était une grave erreur.

Car finalement, ce à quoi chacun aspire se trouve à l’intérieur de lui-même. C’est cette perle rare, qui une fois découverte et dévoilée, peut être offerte au monde.

Le jour approche où nous allons enfin pouvoir nous regrouper et vivre collectivement sur la base de ces valeurs communes enrichies par la diversité de chacun.

Georges Thoreau (Jérôme Bonavent pour les intimes)

en remerciant pour leurs relectures et corrections Simone et Annick

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N'hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *